Peuples assassinés

Publié le par BUIRE

“ Monte et exige, tu es flamme de feu
Ta conquête est sure où l’horizon est définitif
Se fait goutte de sang, goutte de vie
La où tes épaules supporteront l’univers
Et sur l’univers, ton espoir »

Miguel Angel Asturias
Méditations du pied nu

Antigua

Nous sommes au cœur du Guatemala, dans la région qui a été touchée par 35 ans de guerre civile. Bien sur, à Antigua, cela ne se ressent plus. La ville est belle, extrêmement agréable et très touristique. Au pied du volcan Pacaya, elle jouit d’un panorama unique. Je ressens un sentiment de bien-être dans cette ville, quelque chose qui fait que je m’y sentirais rester. A seulement une heure de la capitale, Guatemala City, ville bruyante et polluée, Antigua est plus calme, plus invitante, plus charmante. Nous parcourons ses rues, du parque central, entouré du palacio de los capitanes, palacio del ayuntamiento et de la Catedral de Santiago, à l’église de la Merced ou encore au couvent de La Recoleccion, ou un hôtel luxueux est désormais établi. Toutes ces petites villes ne sont pas là pour impressionner, pour bâtir des tours vertigineuses, symboles de richesse et de pouvoir, mais elles sont émouvantes de par leur splendeur coloniale, leur passé historique, leurs couleurs et leur tempérament.

Antigua

Antigua

Antigua

Antigua

Antigua

La guerre Civile a été une des plus meurtrière. Lorsqu’on fini le livre de Rigoberta Menchu, on ne peut rester indifférent, on ne peut que s’indigner que des crimes atroces soient encore commis. Bien sur, le monde entier se voile la face et pense que plus jamais cela n’arrivera. C’est pourtant faux, il suffit de penser au Guatemala, au Rwanda, au Darfour et je suis sur que j’en oublie. Ce fut un véritable génocide. La famille de Rigoberta a été durement touchée et le cœur se retourne lorsqu’elle raconte comment son frère et sa mère ont trouvés la mort. On n’imaginerait même pas commettre de telles horreurs envers des animaux. Les mutiler, les laisser crever la bouche ouverte en leur urinant dessus, les brûler, les torturer... Et tout cela pour des raisons de pure haine, la haine raciale.

Antigua

Antigua

Antigua

Apres avoir fait un trajet en Chicken Bus jusqu'à Chimaltenango, nous attendons désespérément un autre bus qui nous emmènera jusqu'à Xela. Lorsque nous rentrons dans le bus, il est plein. Des petits tabourets sont installés dans les allées afin d’ajouter des sièges supplémentaires. Les gens nous sourient gentiment. Sur le côté de la route, nous pouvons admirer des champs de café et des indigènes y travaillant, pour les riches propriétaires des fincas. Ces mêmes propriétaires sont ceux qui ont aidé a l’entretien de la guerre civile et n’ont, la plupart du temps, aucun respect pour leurs employés. N’oublions pas qu’ici, même le plus pauvre des ladinos, vivant dans les mêmes conditions qu’un indigène se trouve plus chanceux que n’importe quel indigène car il n’est pas un indigene. Ils sont considérés comme moins que rien et seule leur dignité face à cette injustice leur rend leur espoir.
Soudain, le bus s’arrête et cinq policiers entrent dans le bus pour un contrôle. Mitraillettes à l’épaule, ils scrutent les cartes d’identité et les passeports. Les guatémaltèques sont des gens dont la gentille transparaît sur leurs visages, ils sont rayonnants et possèdent une intelligence dans le regard. Mon voisin lit le journal. A chaque fois que je regarde las noticias, ce sont des photos sanglantes d’attaques de bus, de touristes, de personnes se faisant braquer en retirant de l’argent. Cela rendrait presque paranoïaque. Heureusement, je ne suis pas enclin à cela, tant qu’il ne m’est rien arrivé.

Nous arrivons a Quezaltenango, surnommée Xela, ville grise et assez perturbante. Nous trouvons l’endroit triste. Notre principal intérêt est de monter le volcan Tajamulco, le plus haut pic de l’Amérique Centrale. Apres une visite rapide de la ville, nous mettons en place tous les préparatifs de la randonnée.
L’ascension du Tajamulco n’est pas tellement difficile, mais l’altitude fait son effet. Nous partons de 3000m d’altitude et demain, au levé du soleil, nous serons à 4220m. Lorsque nous arrivons au camp, la brume se lève, recouvrant le sommet et les arbres. Nous sommes un groupe nombreux et non silencieux. Lorsque le soleil se cache, la température se fait plus fraîche et le soir, nous grelottons de froid ou alors nous asphyxions autour du feu. 4h00 du matin, nous sortons de nos duvets confortables pour affronter les rigueurs de la montagne. Nous avons le ventre vide, sommes à 4000m d’altitude, il fait très froid. Certains s’assoient sur les roches, abandonnent presque, pleurent. Nous formons une troupe dont les lampes torches accrochées au front projettent de petites lumières dans la nuit. Quelques petits points venant compléter les étoiles et les lumières de Xela, que nous apercevons plus loin, plus bas. Nous avançons dans le silence de la nuit, dans le silence de nos estomacs, troublés parfois par les pierres dans lesquelles nous venons butter. Le sommet est proche, nous l’apercevons. Le cœur bat la chamade, nous n’avons pas vraiment eu le temps de nous acclimater à l’altitude, la respiration se fait plus saccadée, mais pas après pas, nous atteignons notre but. Nous sommes au sommet lorsque les premiers rayons de soleil viennent percer les nuages et la brume. Pendant une heure et demie, nous allons observer le spectacle du soleil se lever, s’imposer sur ce toit de l’Amérique Centrale. Plus il monte, plus le spectre de la montagne se dessine derrière nous. L’ombre projetée représente alors une pyramide parfaite, un éblouissement visuel, une sorte d’hallucination comme si l’Egypte venait se dresser miraculeusement dans ce décor extraordinaire. Et lorsque le soleil vient caresser nos visages, lécher de ses rayons nos corps, il nous réchauffe et nous prouve oh combien nous avons bien fait de souffrir un peu du froid et nous récompense maintenant. Nous redescendons tranquillement et revenons à Xela par une journée magnifique, gratifiée du soleil. Nous sommes trop fatigués pour reprendre un bus le soir même et préférons nous reposer avant de reprendre la route.

Sommet Tajamulco

Reflexion Tajamulco

Sommet Tajamulco

Rando Tajamulco

Rando Tajamulco

Nous avons pris un autre rythme de vie, un rythme basé sur les matinées. En effet, depuis presque une semaine, nous devons nous réveiller à 4h00, pour prendre un bus, monter une montagne, prendre un autre bus. Le soir nous tombons littéralement de sommeil et lorsqu’il est 8h00, nous avons déjà bien profite de la matinée. Ce matin, nous avons pris le premier bus partant de Xela en direction du lac de Atitlan. Il fait encore nuit et la lune donne une lumière sur les taxis et les bus environnants. Le bus est bien rempli, et je suis surpris car il est très tôt. Nous arrivons à 7h00 du matin à Solola. Le soleil brille et promet une journée lumineuse. Les marchands installent les étals du marché. Nous décidons d’en parcourir les rues avant de prendre notre dernier bus jusqu'à Panajachel.

Lago de Atitlan
Le lac est bleu et entouré de trois volcans, Cerro de Oro, Toliman et Atitlan. Nous devons le traverser depuis Panajachel pour accéder au village de San Pedro La Laguna, où nous dormons. Nous nous mettons sur le toit du bateau pour profiter du soleil, de la vue et du vent. Dans l’hôtel, le réceptionniste nous propose de l’herbe. Je refuse gentiment et plus mon refus se fait ferme, plus les propositions de drogue se font dures : speed, cocaïne, extasie. La ville est agréable, donnant des vues superbes sur le lac. Nous allons parcourir la région, de villages en villages autour du lac. Pour notre première escale, nous empruntons une camionnetta. Les paysages défilent alors a l’allure de la voiture. Nous sommes installes à l’arrière et nous mettons debout. Le premier village ou nous sommes est un village répute pour son centre de méditation. Sur la plage, nous rencontrons une américaine qui vient juste d’arriver et qui nous parle de ses shakras. Les autres villages ‘abordent par bateau. Le second village nous fait tout de suite sentir que nous ne sommes pas les bienvenus. Une longue route pavée conduit vers le village. En haut de cette route, des enfants nous fixent du regard. Soudain, ils sifflent et nous pointent du doigt a des personnes que nous ne voyons pas. Peut-être n’est-ce rien, mais nous ne prenons pas le risque de savoir ce qui se cache derrière ce tournant, nous rebroussons chemin. La ville principale du lac est Panajachel, ville agréable, mais un véritable gringo land. Le temps s’est couvert depuis ce matin et nous rentrons sous un ciel grise, avec la dernière lancha, les remous de la mer venant nous éclabousser.

Lago de Atitlan

Lago de Atitlan

Lago de Atitlan

Lago de Atitlan

Lago de Atitlan

Chichicastelnango, le vol de la colombe
Sur le chemin de retour à Antigua, nous faisons un détour par Chichicastelnango. Cette ville est réputée pour son marché grandiose et coloré. Malheureusement, le marché n’est pas aussi imposant que prévu car nous ne sommes pas venus la bonne journée. Ce n’est pas grave et nous profitons tout de même du lieu.
Dans l’église de Santo Tomás, la femme parle aux fantômes et se comporte comme une actrice face à un public imaginaire. Elle jette des pétales de roses blanches, de l’eau bénite. Plus loin, des hommes marchent sur les genoux, une colombe passe, les bougies vacillent. Je ressens quelque chose d’étrange, de la peine, de la compassion. Ces gens qui croient et se rattachent à leurs croyances, en leur Dieu, au ciel et qui ont besoin de venir expier leurs maux. Quelque soit la croyance, le Dieu ou les rituels, ces gens ont tous quelque chose en commun, le même besoin de se rassurer et de s’accrocher a cette chose impalpable.

Chichicastlenango

Chichicastlenango

Les chicken-Bus, je comprends mieux pourquoi ils possèdent un tel nom, le conducteur remplit le bus jusqu'à ce que celui-ci soit plein à craquer. Les gens s’entassent. On est assis à 3 sur une banquette de 2. Ces bus sont des anciens bus scolaires américains, loin d’être confortables à l’origine et cauchemardesques au Guatemala. Les odeurs de toutes sortes s’y mélangent et il est sportif de faire plusieurs heures de voyage assis.
Nous avons pris le rythme des changements de bus, de cette chorégraphie ou nous attrapons nos sacs des toits et les lançons vers le nouveau bus. Ce doit être rapide, car les chauffeurs n’attendent pas. Les gens s’installent et font le signe de croix. En effet, personne n’est sur de réellement sortir vivant d’un trajet dans ces bus. Les chauffeurs se prennent pour des conducteurs de rallye et des slogans tels « Dios me guia », « Dios me muestra el camino » ornent le bus à côté d’images pieuses du christ.

Nous sommes de retour à Antigua ou nous avions laissé une partie de nos affaires et où nous devons prendre le bus international pour continuer la route vers les autres pays. Nous avons également l’envie de monter le volcan Pacaya, qui domine la ville et de nous prélasser une dernière demi-journée dans le marché d’artisanat, de goûter aux plaisirs de la ville, aux pâtisseries et chocolats.

Le tour organisé coûte $5, ce qui nous semble très raisonnable. Le guide d’emblée essaie d’apitoyer son auditoire en racontant sa terrible lutte contre son cœur. Nous nous regardons alors étonnés qu’il continue à monter le volcan. Parfois, il respire difficilement, laissant passer des sifflets aigus. Est-ce volontaire ? C’est assez difficile à déterminer. En tous cas, nous espérons ne pas avoir à le descendre brusquement. Il n’est pas le seul à cracher ses poumons. De nombreuses personnes dans le groupe semblent suffoquer alors qu’Adrien et moi avançons allégrement. Le temps est splendide, le décor envoûtant. Plus bas, dans les contreforts de la montagne, la végétation est dense, verte. Nous accédons alors à un plateau dégagé donnant une vue sur toute la vallée environnante. Les autres montagnes et volcans se dessinent alors et les volutes de fumées sortant du Pacaya se font plus proches. Quelques vaches paîtrent tranquillement tandis que les veaux tètent leurs mères. La dernière partie de l’ascension se fait sur du sable noir, accumulation de pierres et de cendres. Nous n’avons pas l’autorisation de monter jusqu’au sommet et d’observer le cratère. D’où nous sommes, nous pouvons néanmoins apercevoir les côtes pacifiques et le Salvador qui pointe son nez à l’horizon. Le guide nous autorise à Adrien et à moi de monter au sommet. Malheureusement, alors que nous commençons l’ascension, un autre guide nous interpelle et nous rappelle qu’il est interdit d’en faire l’ascension.

Volcan Pacaya

Volcan Pacaya

Volcan Pacaya

Volcan Pacaya

Volcan Pacaya

Volcan Pacaya

« Nous avons toujours vécu ici : il est juste que nous continuions à vivre là ou il nous plait et ou nous voulons mourir. Ce n’est que là que nous pouvons ressusciter, ailleurs, jamais nous ne parviendrons à nous retrouver entiers et notre douleur serait éternelle » Popol Vuh

Publié dans xavlevoyageur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Z
c'est vraiment un endroit qui m'attire, j'espère qu'un j'aurai l'occasion de m'y rendre.
Répondre