On the road... to the Wild Wild West

Publié le par BUIRE

Il est 18h00 lorsque j’arrive a la gare de bus de San Francisco. Je suis bien en avance et je prefere. Ce n’est pas le meilleur endroit de la ville, pourtant situe en plein centre. Des personnes arrivent au fur et a mesure et je peux reconnaitre a leurs bagages que ce sont des gens qui partent pour la meme aventure que moi. Je suis fin pret pour ce Road Trip dans l’ouest, le fameux Far West. Commencent alors les presentations usuelles. Quel est ton nom ? D’ou viens-tu ? Depuis combien de temps es-tu aux US et que vas-tu faire apres ? Je suis rode a ces questions auxquelles je reponds inlassablement depuis un mois. Le fameux bus arrive alors. Ce bus qui va nous transporter pendant 16 jours a travers les parcs. Il est vieux, il a du vecu. Il est vert avec une enorme peinture hippie a l’arriere. Cela commence bien. Nous faisons alors la connaissance des chauffeurs : Jimmy et Brian. Ils vont se relayer pendant toute la duree du trajet, l’un effectuant la route de jour pendant que l’autre dort dans la chambre au fond du bus pour les trajets de nuit. Tout est pare, la logistique est en place. Le programme est riche et gourmand : depuis Valley of Fire jusqu’au Wyoming, terre de Yellowstone. Mes premieres impressions sont etranges : nous sommes vraiment nombreux pour un bus comme cela ! Et nous sommes supposes dormir ? Mission impossible ?
Le nom de la compagnie est Green Tortoise, La Tortura Verde sur notre bus, la version espagnole. Et nous comprendrons vite pourquoi ils ont choisi la tortue comme symbole. Nous avancons lentement, doubles par les camions auxquels nous demandons par geste de lancer leur Klaxon. Les routes vont s’enchainer, les autoroutes egalement nous permettant de nous reveiller dans un endroit different chaque jour. Le bus est multinational avec toutefois une tres forte tonalite anglaise ! Je dis bien anglaise et non anglophone ! La moitie des personnes arrive tout droit de cette ile proche de la France ! Aie aie aie, il faut se refaire a l’accent. Certains viennent du nord et ont donc un accent plus fort que d’autres. Au cours des premiers kilometres, nous nous apprivoisons. Ainsi nous cottoyons Australiens, Neo-Zelandais, Espagnols, Hollandais, Israeliens, Indiens et meme une fille d’Afrique du Sud.
On nous explique ensuite comment nous allons dormir : “The Miracle”. Les banquettes se deplient pour faire place a un immense lit ou on place les sacs de couchage en quiquonce. En haut il y a egalement des lits : certains d’une place et de l’autre cote c’est un lit deux places. Mais je ne me vois pas etouffer contre le bus ou tomber dans le miracle. Je vais opter la plupart du temps pour le miracle. La premiere nuit, je dois m’habituer aux mouvements du bus et me reveille a plusieurs occasions. Je peux voir defiler le paysage sous mes yeux. Nous sommes en plein desert. Nous avons deja pris du retard car un accident sur l’autoroute hier soir a genere un traffic non commun.

He-Las Vegas
Nous ne resterons que quelques heures a Las Vegas, le temps de se faire une idee du lieu. Je n’avais de toutes facons pas particulierement envie d’y rester plus de longtemps. Tout ce que les Etats-Unis representent de grandiose, surdimensionne, exuberant, hors-norme, decadent ou grandiloquent se trouve dans cette ville. Un resume du trop plein americain. C’est la ville des lumieres. Tout doit briller, etre plus grand, plus plus plus... En plein mileu de nulle part surgit soudain une immense ville. Car Las Vegas est bien grande et en 4 heures nous n’aurons le temps d’explorer qu’une petite partie du Strip, ce fameux boulevard ou s’alignent Casinos et Hotels. Chaque Casino a son theme. On retrouve meme une pale copie de la Tour Effeil. Certains hotels proposent des spectacles sur le boulevard. Ainsi nous pourrons admirer le balai des jets d’eaux, se projettant au rythme de la musique. Assez impressionant et agreable a regarder. Par contre, le pauvre Tigre de Siegried et Roy fait de la peine a voir. Il tourne inlassablement dans son faux decor, s’ennuyant a mourir, a la vue des milliers de touristes le regardant s’eteindre. Enfin, la partie de Las Vegas pour laquelle on vient normalement a Las Vegas : les casinos. Des machines a sous, des tables de Poker, de roulette... Tout y est. Et les joueurs s’alignent par centaine. C’est clinquant et bruyant. On apercoit deci dela des maries qui vont certainement passer leur lune de miel a esperer toucher le pactole apres s’etre faits unir par un clone d’Elvis deguise en pasteur.
Et pour ceux qui font grand cas de l’environnement, ne mettez pas les pieds a Las Vegas, vous allez hurler ou mourir d’apoplexie. Las Vegas et l’environnement sont des mots qui ne vont pas ensembles. Tout doit briller pour etre vu depuis la lune quel qu’en soit le cout. Mais chere Las Vegas, a ce rythme, tu vas t’epuiser, tu ne brilleras pas eternellement et retomberas dans l’ombre du desert dont la chaleur etouffera tes hotels et casinos.

Las Vegas

Las Vegas

Las Vegas

Las Vegas

Las Vegas

Bryce Canyon

Nous repartons pour notre seconde nuit en bus et le reveil se fait dans le paysage enchanteur de Bryce Canyon. Les roches rouge sang semblent nous inviter a marcher dans un decor de film. Les Hoodoos, formes etranges et mystiques semblent lances vers le ciel. En forme d'orgue, ils m'invitent a jouer la musique de leur vie geologique, d'en etre le clavieriste, laissant les tubes rocheux sortir une musique pour l'univers entier. Ces tubes sont le resultat de l'eau et la glace, meme si cela parait improbable. Pourtant le vent n'a pu eroder la pierre pour lui donner cette forme. Une guide que nous rencontrerons dans le canyon nous explique alors les mysteres geologiques de ce parc qui disparaitra dans 3 Millions d'annees comme il est apparu, noye sous les eaux.

Bryce Canyon

Bryce Canyon

Bryce Canyon

Bryce Canyon

Nous continuons notre periple sous la chaleur des deserts americains ! Je me sens moi-meme aride, m'evaporant au fur et a mesure des heures. Nous traversons ainsi Kodachrome Basin, allons nous rafraichir dans le Lake Powell, lac completement artificiel. Certaines nuits, nous ne voyageons pas et restons sur place. Nous sortons alors les matelas, nous allongeons dans la terre et passons la nuit a la belle etoile, admirant le silence des etendues rocheuses.

Kodachrome

Kodachrome

Lake Powell

Goosenecks

Goosenecks

Notre Bus

Un matin au reveil apres une nuit a la belle etoile

Canyon de Chelly
21 Juin
C’est le soltice d’ete et la journee la plus longue de l’annee. J’ai une pensee rapide pour le Yukon ou la nuit ne tombera pas aujourd’hui et vers la France qui va certainement celebrer la fete de la musique. Nous nous reveillons en territoire Navajo, dans une reserve. Certes les indiens sont cantonnes ici, mais ils sont tellement heureux de se reappropirer leurs terres. C’est une vertitable lecon qui nous attend aujourd’hui. Devant nous se dresse le Canyon de Chelly (prononce Canyon de Che). Pour les Navajos, c’est le centre du monde et on le comprend aisaiment lorsqu’en haut, on apercoit un immense rocher qui surgit et pointe vers le ciel. Les tribus indiennes d’Amerique doivent etre connectees. Les Incas pensaient egalement que Cuzco etait le centre du monde. Nous allons descendre dans le Canyon accompagne d’un guide Navajo. La descente est rude et vertigineuse au depart. Et c’est par une chaleur extrement etouffante que notre initiation se fera (sans exagerer, il devait faire 45 C). Le guide nous explique que pour les indiens, le corps est medecine et equilibre. Si nous tombons malade, c'est souvent par notre propre faute. Les mains sont faites pour attraper de la nourriture, leur donner la forme de bol et boire l'eau. En aucun cas elles n'ont ete crees pour frapper. L'eau est un element essentiel pour les indiens. Une priere speciale lui est dediee.

Le canyon possede des ruines d'anciennes maisons indiennes. Il est totalement interdit d'y penetrer meme pour un indien sans l'autorisation prealable des morts et ames qui ont habite ces endroits. Un chaman doit alors faire des incantations, des offrandes, amadouer les esprits, pour obtenir un signe de leur part qui marquera l'autorisation ou le refus a des personnes d'entrer dans ces lieux. Si quiconque s'y aventure sans ces rituels prealables, c'est non seulement un sacrilege, mais il se verra afflige de maladie et mourra probablement dans d'atroces souffrances.

Canyon de Chelly

Canyon de Chelly

Tatie Clara
Je l’appelle « la vieille » et ne pensez pas que c’est de facon affectueuse ou amicale, mais plutot irreverencieux. C’est voulu. Elle sera pendant 8 jours l’emmerdeuse numero une, qui utilise son age comme excuse pour obtenir ce qu’elle desire. Elle donne son avis sur tout, est sans-gene, donne des lecons et des conseils de sa petite voix fluette, un sourire hypocrite aux levres. Une vieille harpie. Elle me rappelle le personnage de Tatie Danielle est c'est pourquoi je la surnomme Tatie Clara.

Tatie Clara

Les routes des differents etats se succedent ! Oh comme j'aimerais conduire ce gros bus et apprendre ces routes, moi qui ai passe mon temps sur celles du Canada ! Ainsi a travers Valley of Gods, Goosenecks ou nous suivons la 138 sud en partant du Mile 0 nous arrivons a Mexican Hat. Un pierre a vaguement la forme d'un sombrero retourne. Nous sommes en plein coeur des territoires indiens. Et comme en Amerique Centrale, des marches d'artisanat sont presents au bord de la route. On sent que c'est plus pauvre.

Le trajet nous conduit a Monument Valley. Le nom est evocateur d'immensite ! C'est ici que beaucoup de Westerns ont ete tournes, John Ford etant un adepte du lieu. C'est de nouveau un territoire Navajo et tous les benefices leurs reviennent directement. Les formations rocheuses sont issues de la lave et du refroidissement rapide lors du retirement des oceans. Nous allons decouvrir les differentes roches lors d'un tour en Jeep durant lequel Clara ne manquera pas de jouer sa Tatie Danielle. Marvin est notre chauffeur. Je me retrouve assis a l'avant, a cote de lui et coince avec Clara. Elle avait fait des pieds et des mains pour monter a l'arriere, et finalement, au moment du depart a fait bouger tout le monde pour passer a l'avant !

Shiran

On the road

Dave

Nicole and Shiran

Ce soir est notre derniere soiree dans une grande ville et quelle grande ville ! Page ! Nous allons litteralement retourner l'ambiance de ce bourg, illuminer la scene d'un bar miteux dont la soiree thematique etait : Karaoke

Karaoke.
Ou les stars d'un soir.
Viennent chanter comme des pieds.
Pour un cinq minutes de gloire.
Au resto-bar les champions.
On a d'la broue en spécial.
V'nez fredonner des chansons.
En mangeant des peanuts en ecales.

Chacun d'entre nous y met du sien et nous accaparons la scene. La liste des chansons se succede. Pour certains de cette semaine, cette soiree fera partie des moments memorables du voyage.

Grand Canyon

5h30 du matin, nous nous reveillons pour le lever du soleil sur le Grand Canyon ! Un orage balaie les formations rocheuses, des couleurs orangees refletent une sorte de descente aux enfers, un mordor naturel.
Un oeil noir nous regarde, nous surveille, il devient orange, c'est le soleil. Il a pouvoir de vie et de mort sur nous et finira par nous detruire, ineluctablement. Aujourd'hui, il est triste et deverse ses larmes dans le plus grand canyon du monde. De part ses 277 Miles de long, 10 de large dans sa partie la plus eloignee et sa prodeur d'un Mile, il est une veritable legende et s'avoue parfois invaincu. Nous ne manquerons pas de tomber sur le livre recensant les causes de mort relatees chaque annee, pas tres rassurant avant de s'aventurer en son coeur. Nous avons du diviser le groupe en deux parties car le nombre de personnes campant sur le site est limite.

La descente revet un mystere presque mythique. On nous bourre le crane d'idees recues. Il est bon d'etre prudent, mais je pense que tout fut extremement exagere : ne prenez pas trop a manger, ca ne sert a rien, n'emportez pas de tente, buvez beaucoup, il faut entre 5 et 8 heures pour remonter et la chaleur peut alors devenir votre ennemi principal. Je savais que j'allai mourir de faim en ecoutant ce conseil. Certains etaient pertinents, d'autres moins.

Pendant que la premiere partie du groupe effectue la descente, nous allons explorer le South Rim et nous promenons tout le long du Canyon. Le mois de Juin est cense etre le mois le plus sec pour le grand Canyon. Mais pas cette annee. Nous allons nous retrouver pris sous un orage assourdissant, nous trempant jusqu'aux os. Nous pensons alors aux autres qui doivent dormir a la belle etoile. En fait, il est rare que les pluies atteignent le fond du canyon et ils furent donc epargnes.

Nous nous reveillons a 4h00 du matin pour commencer a descendre au lever du soleil. Nous savons que la chaleur va devenir insupportable des la fin de la matinee. En fait, il fait deja extremement chaud des 8h00 du matin. Plus nous descendons, plus la chaleur augmente. Le chemin est extremement bien amenage. Je m'attendais a quelque chose de plus rude. La descente se fait en deux etapes. D'abord jusqu'a Indian Gardens ou beaucoup de gens s'arretent avant de remonter ou campent ici, puis jusqu'a la riviere Colorado. Jusqu'a cette partie, il est possible de se ravitailler en eaux trois fois. Ensuite plus rien jusqu'en bas, il faut donc faire ses reserves. Nous avions soigneusement prepare notre expedition, allant jusqu'a nous acheter des pistolets a eau en plastique pour nous rafraichir le visage. Bien sur c'etait egalement la bonne excuse pour se preter a des jeux plus puerils ! La descente jusqu'a Indian Garden est de 4.6 miles depuis le South Rim. Comme nous avons ete rapides, nous decidons de faire un detour par le Plateau Point. La vue sur le Canyon est alors magnifique et nous pouvons admirer des vautours qui tournent autour de nous, allant meme jusqu'a nous approcher de tres pres. Nous descendrons ensuite jusqu'a la riviere Colorado avant de rejoindre le Phantom Ranch ou nous arrivons en debut d'apres-midi.

Bright Angel Trail

elevation

Au fond du Canyon, lorsque nous arrivons, un thermometre indiquait 120ºF (49ºC) au soleil et 100ºF (37.7ºC) a l'ombre et le soir, a 20h30, la nuit il indiquait 86ºF (30ºC). La fatigue nous saisit tous tot dans la soiree et nous devons nous lever a 3h30 du matin pour de nouveau eviter la chaleur. J'installe mon sac de couchage sur des sacs poubelles et dort a meme la terre, quelques cailloux me ruinant le dos. Le lendemain, a 3h30, nous nous preparons a partir. La moitie du groupe a tres mal dormi. Le sac des poubelles n'avait pas ete place dans la boite specialement prevue pour la nourriture. Une bete s'est donc aventuree a la recherche d'un repas, faisant pousser des cris de panique aux filles du groupe. Je n'ai absolument rien entendu. J'ai mal dans l'oreille en remontant. Nous commencons a marcher sous la lune a 4h45 du matin, mais rapidement le jour se leve. Chacun remonte a son rythme. Il est 8h00 lorsque j'arrive au sommet. Il m'aura fallu 3h15 de marche, ce qui apparement est un temps tres rapide. Je rentre au camp en esperant avoir la possibilite et le temps de trouver un medecin. Malheureusement Jimmy m'enleve tout espoir ! N'y compte pas ici.
Cela fait bientot deux heures que je suis arrive au campement et je n'ai toujours vu aucun de mes dix camarades. Je decide alors de retourner dans le Canyon aider ceux qui sont restes derriere, etant responsable du groupe. Je sais que certains ont des ampoules, la chaleur ne doit pas aider. Je descends, descends et pas un visage familier. Ca m'inquiete, j'espere qu'ils vont revenir a temps. Nous sommes censes partir a midi et ils seraient capables de nous laisser la. Il faut etre ponctuel. J'apercois alors Shiran, hors d'haleine. Elle me dit que le reste du groupe est derriere mais ne sait pas s'ils sont loins. Je les retrouve au premier point d'eau. Je suis soulage, il reste encore une bonne marche, mais la fin est proche. Ils semblent abattus par la chaleur et les ampoules. Je sais que c'est dur d'avancer avec la douleur. J'etais redescendu avec mes batons de marche et de l'eau. C'est avec courage qu'ils terminent la randonnee, pas apres pas. Nous avons ainsi brave le Canyon avec succes.

Grand Canyon

Grand Canyon

Grand Canyon

Grand Canyon

Grand Canyon

Avant de deposer la majorite du Groupe a Las Vegas, nous faisons un detour par l'incontournable route 66 ! C'est le summun du kitch avec des statues, des posters a la gloire de Marilyn ou d'Elvis, laissant cette partie du monde figee dans un temps revolu.

Route 66

Route 66

Samedi soir sur la Terre, retour a Las Vegas ou nous deposons la majorite du groupe. Nous sommes 11 de la premiere cuvee a rester. Avec Lisa, une americaine et Claire une francaise, nous allons passer la majorite de la seconde partie du voyage ensemble, ainsi qu'avec quelques nouveaux venus.
Je suis loin d'etre en forme lorsque nous changeons de groupe. Je vais etre associal pendant quelques jours. Le nouveau groupe est plus polyvalent malgre une majorite d'anglophones, mais moins d'anglais. Les ages aussi sont plus diversifies et d'un premier abord, le groupe me plait moins. La douleur dans mon oreille, que je ressens depuis que nous sommes arrives au Grand Canyon va en s'amplifiant. J'ai un bourdonnement continu et j'ai l'impression que quelqu'un cogne en permanence contre mon tympan. Je ne peux plus bouger sans subir d'elancements. Ce bus devient alors mon ennemi ! C'est le pire endroit pour tomber malade. Du bruit en permanence, tout mouvement de nuit devient penible, aucune intimite pour souffrir en silence. Je me sens miserable, un fardeau. Je n'ai plus aucune energie et tombe dans une lethargie que je hais. Seuls les comprimes de Tylenol que j'ingurgite calment ma douleur pendant quelques heures, mais semblent de moins en moins efficaces. Une allemande dans le groupe est medecin. Au vu de ma douleur, elle me conseille de consulter pour me faire prescrire des antibiotiques si j'ai une otite interne, ce dont je suis presque sur. Ma preoccupation est de savoir quand, dans cet itineraire de fou au milieu de deserts, je vais pouvoir consulter un medecin ! Heureusement nous devons rester quelques heures a Moab. Cela semble suffisant, mais nous sommes aux Etats-Unis ! Je vais experimenter le systeme medical americain et cela est toute une epreuve. Le medecin d'urgence est absent pendant l'ete, il se trouve en Alaska et aucun autre ne peut me recevoir avant 16h00. Or, nous partons a 14h30. J'ai finalement un rendez-vous a 13h00 dans une clinique privee, mais cela ne signifie pas que je vais passer a 13h00. Je peux egalement aller aux Urgences. On me le deconseille vivement, ca peut etre plus long... Je dois marcher jusqu'a la clinique. En plein soleil de Moab, sous 40 degres, ma tete m'elancant, ce fut un supplice. J'ai toutefois eu la chance de voir un medecin a 13h00 et me suis retrouve avec 10 jours d'antibiotiques.

Arches, Canyonland

Je serai un veritable zombie lors de l'exploration de ces deux parcs. Je marcherai tout de meme, me promenant a travers les belles arches, mais nous n'irons meme pas au pied de Delicate Arch, la plus connue et en photo dans tous les guides. Quant a Canyonland, nous le traverserons et n'y accorderons pas l'importance qu'il meriterait.

Arches

Arches

Grand Teton

Nous poursuivons notre route plus au nord, vers le Wyoming, un veritable trou perdu au milieu de nulle part. Le trajet nous prendra la journee tellement c'est loin et tellement nous sommes lents. Cela me permet de recuperer et de reprendre des forces pour apprecier la fin du voyage. Je ne suis pas entierement mecontent que nous ne fassions pas de grosses randonnees ces jours-ci. Je commence a me sentir mieux, meme si mon oreille reste bouchee. Le temps est couvert lorsque nous arrivons a Grand Teton. Ce parc est colle a Yellowstone. Pour un francais le nom peut paraitre un peu stupide. Les americains n'ont aucune idee de la signification de ce nom. 3 explorateurs francais, en arrivant devant ces montagnes se sont exclames : "on dirait des tetons" et les americains n'ont rien trouve de mieux que de donner ce nom au parc ! Ce n'est pas le meilleur leg francais laisse dans ce pays. J'ai toutefois un doute quant a la veracite de cette explication. Cela peut etre egalement un nom indien. Je n'ai pas reussi a percer ce mystere.

Grand Teton

Grand Teton

Grand Teton

Yellowstone

Le parc de Yellowstone est une veritable splendeur. Grizzlis et bisons cohabitent dans cette nature immense et emouvante. Des geysers innombrables aux noms enchanteurs, aux couleurs incroyables que les bacteries rendent jaunes, oranges, bleus, ... L'odeur de soufre qui s'en degage est neanmoins desagreable. Ce parc est le tout premier cree aux Etats-Unis en 1872 et representait une sorte de reve pour moi. Un poster de geyser encadre au mur de ma chambre depuis de nombreuses annees me faisait voyager mentalement vers ces contrees inconnues. Lorsqu'on voyage de chez soi, on se represente les pays differement de ce qu'ils nous apparaissent en realite ! Parfois les photos sont plus belles que les lieux, ou bien les endroits plus grandioses que ce que l'appareil peut reellement rendre. On ne peut que feliciter les americains d'avoir su preserver cette nature, l'embleme meme des parcs de ce pays, meme s'ils ont detruit certaines merveilles pour batir des barages par la suite. Cela fait toujours parti des contradictions de ce pays. Toutefois, c'est moins sauvage que je me l'imaginais, les chemins sont des structures en bois. Les bisons, ces animaux costauds et impressionnants sont en toute liberte dans le parc. Ils sont neanmoins dangereux et imprevisibles, pouvant charger a tout moment.

www

Yellowstone

Yellowstone

Yellowstone

Yellowstone

Bisons a Yellowstone

Les paysages de Yellowstone conferent parfois une impression d'etre sur la Lune ou sur une planete differente. Le sol gris, la fumee, tout s'apprete a vous emporter dans notre espace.

Yellowstone

Yellowstone

Yellowstone

visage dans la roche, yellowstone

Yellowstone

Yellowstone

La foret resonne dans le coeur des hommes depuis des millenaires. Les racines profondes d'un arbre, plus vieilles que nos generations. Elles sont nos poumons, notre coeur. Lorsqu'elles brulent, s'effondrent, c'est un peu de nous qui part avec elles. L'arbre est symbole de vie dans de nombreuses civilisations, est respecte, venere. Les forets rasees, decimees, aneanties pa la main propre de l´homme se mutilant alors lui-meme. C'est ainsi qu'en 1988 une bonne partie de Yellowstone a disparu, englouti pa les flammes, detruisant habitats, faisant fuir bisons, ours, renards, ruinant l'ame de certains hommes reliee intimement a la nature.

My own private Idaho
1er juillet 2005

De grandes plaines vertes, des montagnes brunes, un sol aride, des cactus en fleurs, des rivieres miroitantes, les saules embaumant, de fins flocons blancs emplissant l'air, des sources d'eau chaude, tel est l'Idaho que j'ai decouvert. Un endroit beau et paisible. Easton suit mes traces sur le parcours menant aux sources. Il veut etre le premier et se prouver qu'il peut mettre ses pas dans mes pas. Il a 14 ans, et possede l'insouciance de son age. Son pere l'a emmene avec lui pour lui ouvrir l'esprit, lui faire decouvrir la vie de communaute et il s'adapte extremement bien. Jamais a son age je ne me serai senti capable de faire cela. Il me rememore Silvain, un de mes amis. La meme vivacite d'esprit, l'oeil malicieux et intelligent. Ca me fait etrange, comme si il etait present a l'age de 14 ans.

Idaho

Le bus est transforme en Capharnaum. Les affaires s'etalent partout. la salete et la poussiere s'accumulent ainsi qu'un melange d'odeurs generees par la chaleur, la transpiration, les chaussures et plusieurs jours sans douches. Tout le monde tousse et eternue. Nous employons alors le langage barbare pour tout decrire, possedons l'insolence des intolerants et deplorons lamentablement nos conditions.

Les longues coulees de sable qui ruisselent de mes yeux refletent un ciel grise par le reve d'amour ou les etres alanguis dans des poses figees, savourent l'instant present, suant la chaleur desertique. La gorge seche mais le desir bulant, ils s'assoiffent de caresses, melangeant les chaires, anoblissant les corps a la forme primitive, le cri rauque et aveugle des betes insoumises. La fievre au corps je surnage le degout d'etayer de poussiere les os deja ruines de vieillards putrescents enhardis de luxure, melangeant leurs flux sous les banches seches et brisees. Les moteurs des corbillards murmurent a leurs oreilles que pecher est un tort qui leur coutera la mort.

Bus

Bus

Bus

Bus

Lisa

Zion

Nous penetrons dans le dernier parc, Zion. Rien que par son nom, il evoque l'enchantement, la magie. C'est la paradis des grimpeurs et les randonnees ont l'air prometteuses. Un bus assure la liaison entre les differentes parties du parc. Avec Lisa et Claire, nous nous aventurons vers le Angel´s landing trail. Plusieures personnes on deja effectue cette randonnee apparement spectaculaire. Le guide du routard de Claire precise que ce n'est pas fait pour les vertigineux, les 800 derniers metres se faisant au bord d'un precipice en s'accrochant a des chaines. Je suis sujet au vertige mais je veux tout de meme tenter l'experience. Je me dis que je verrai sur place si je me sens capable ou non de le faire. Il fait une chaleur extreme et Claire rebrousse chemin ne supportant plus les temperatures. Je poursuis avec Lisa qui a deja le vertige bien avant les 800 derniers metres. Je suis oblige de la prendre par la main et de lui cacher la vue surplombant le vide pour qu'elle continue. Nous arrivons a l'etape fatidique. Plusieurs personnes du groupe sont deja la et attendent ceux qui sont parti s'aventurer au sommet. Je decide de tenter l'aventure. Les chaines sont assez basses et je dois me courber pour pouvoir m'accrocher. Le chemin est en effet tres etroit et au bord du vide. Il n'y a la place que pour ceux qui montent ou ceux qui descendent, mais pas les deux et c'est le meme chemin. Il faut parfois attendre. Certains endroits sont plus spectaculaires, ne possedant pas de chaines et bordes par le precipice des deux cotes. Je n'ai etonnement pas du tout le vertige. Je peux regarder en bas sans etre paralyse. J'arrive au sommet sain et sauf. Sur le chemin je croiserai une fille marchant pied nu ! Elle s'etait aventuree ici avec des sandales, de la folie pure et simple. Certains seront paralyses, blemes de peur. Je compatis car connais l'effet ressentie tout en m'estimant heureux d'avoir surmonte ce cap cette fois-ci. Arrive au sommet, nous dominons toute la vallee et on peut aisement imaginer un Ange s'envoler a destination du paradis. En redescendant je croise Easton et son Tom, son pere. Easton veut faire l'ascension mais Tom ne veut pas l'accompagner. Il me demande si je suis d'attaque pour une seconde montee. J'apprendrai plus tard que quelques annees auparavant, Tom etait deja venu ici et avait ete jusqu'au sommet. Il avait alors assiste a un spectacle dramatique. Un adolescent de 15 ans avait perdu l'equilibre et se tuant en tombant dans le precipice. Je l'imagine inquiet a l'idee que son fils subisse le meme sort et le temps a du lui paraitre extremement long jusqu'a ce que celui-ci reapparaisse sain et sauf.

A la fin de la journee, nous nous posons dans un restaurant. Je ne me suis jamais senti aussi heureux de m'asseoir et de laisser la chaleur, la poussiere couler de ma nuque, mes epaules a la fin de ce voyage. Rien ne semble alors meilleur qu'un hamburger.

Le soleil decline et est d'un rouge eclatant lorsque nous sommes sur la route. Notre derniere nuit dans le bus, dans le miracle. Je n'ai desormais plus envie de partir. Ce bus magique est comme mes reves de petit garcon, ou j'imaginais mon lit s'envolant et m'emmenant dans des pays lointains. Un tapis magique sur lequel je peux dormir. Je m'etais habitue a etre berce par le moteur, le mouvement du bus. Emmene moi au Mexique et en Amerique Centrale, reste ma maison, je t'ai apprivoise. Mais d'un cote je suis content de pouvoir retrouver un semblant de confort. Un lit, une douche, une machine a laver. J'ai pu plus apprecier le groupe ces derniers jours, revivant pleinement. Nous savons que le voyage touche a sa fin et ne voulons pas y penser. La musique a fond, on danse dans le bus. J'ai envie une derniere fois de me gaver de la demesure americaine, une folie soudaine pour une apotheose de transition. J'ai traverse des Etats qui m'etaient inconnus auparavant : le Nevada, l'Utah, l'Arizona, le Wyoming, l'Idaho. Dans le coeur des deserts, dans l'ame des indiens, dans les Terres majestueuses des prairies de bisons, dans l'ame de l'Amerique. Mais aucun bus ne pourra traverser l'etendue de mes pensees, le desert de mes amours, les prairies de mon coeur et l'Etat de mon ame.

Zion

Xav en haut du Angel's landing

Zion

Angel's Landing !! Les 800 derniers metres

Zion

Zion

Sunflower Sutra
I walked on the banks of the tincan banana dock and
sat down under the huge shade of a Southern
Pacific locomotive to look at the sunset over the
box house hills and cry.

Jack Kerouac sat beside me on a busted rusty iron
pole, companion, we thought the same thoughts
of the soul, bleak and blue and sad-eyed,
surrounded by the gnarled steel roots of trees of
machinery.

The oily water on the river mirrored the red sky, sun
sank on top of final Frisco peaks, no fish in that
stream, no hermit in those mounts, just ourselves
rheumy-eyed and hungover like old bums
on the riverbank, tired and wily.

Look at the Sunflower, he said, there was a dead gray
shadow against the sky, big as a man, sitting
dry on top of a pile of ancient sawdust--
--I rushed up enchanted--it was my first sunflower,
memories of Blake--my visions--Harlem
and Hells of the Eastern rivers, bridges clanking Joes
Greasy Sandwiches, dead baby carriages, black
treadless tires forgotten and unretreaded, the
poem of the riverbank, condoms & pots, steel
knives, nothing stainless, only the dank muck
and the razor-sharp artifacts passing into the
past--

and the gray Sunflower poised against the sunset,
crackly bleak and dusty with the smut and smog
and smoke of olden locomotives in its eye--
corolla of bleary spikes pushed down and broken like
a battered crown, seeds fallen out of its face,
soon-to-be-toothless mouth of sunny air, sunrays
obliterated on its hairy head like a dried
wire spiderweb,

leaves stuck out like arms out of the stem, gestures
from the sawdust root, broke pieces of plaster
fallen out of the black twigs, a dead fly in its ear,
Unholy battered old thing you were, my sunflower O
my soul, I loved you then!

The grime was no man's grime but death and human
locomotives,
all that dress of dust, that veil of darkened railroad
skin, that smog of cheek, that eyelid of black
mis'ry, that sooty hand or phallus or protuberance
of artificial worse-than-dirt--industrial--
modern--all that civilization spotting your
crazy golden crown--

and those blear thoughts of death and dusty loveless
eyes and ends and withered roots below, in the
home-pile of sand and sawdust, rubber dollar
bills, skin of machinery, the guts and innards
of the weeping coughing car, the empty lonely
tincans with their rusty tongues alack, what
more could I name, the smoked ashes of some
cock cigar, the cunts of wheelbarrows and the
milky breasts of cars, wornout asses out of chairs
& sphincters of dynamos--all these
entangled in your mummied roots--and you there
standing before me in the sunset, all your glory
in your form!

A perfect beauty of a sunflower! a perfect excellent
lovely sunflower existence! a sweet natural eye
to the new hip moon, woke up alive and excited
grasping in the sunset shadow sunrise golden
monthly breeze!

How many flies buzzed round you innocent of your
grime, while you cursed the heavens of the
railroad and your flower soul?

Poor dead flower? when did you forget you were a
flower? when did you look at your skin and
decide you were an impotent dirty old locomotive?
the ghost of a locomotive? the specter and
shade of a once powerful mad American locomotive?
You were never no locomotive, Sunflower, you were a
sunflower!
And you Locomotive, you are a locomotive, forget me
not!

So I grabbed up the skeleton thick sunflower and stuck
it at my side like a scepter,
and deliver my sermon to my soul, and Jack's soul
too, and anyone who'll listen,

--We're not our skin of grime, we're not our dread
bleak dusty imageless locomotive, we're all
beautiful golden sunflowers inside, we're blessed
by our own seed & golden hairy naked
accomplishment-bodies growing into mad black
formal sunflowers in the sunset, spied on by our
eyes under the shadow of the mad locomotive
riverbank sunset Frisco hilly tincan evening
sitdown vision.
Allen Ginsberg

Berkeley, 1955

Publié dans xavlevoyageur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article