Du white pass au Yukon

Publié le par BUIRE

Le White-pass est un train bonde de touristes, des croisieristes pour la plupart, qui va nous conduire dans les montagnes, a travers un des deux chemins qu'empruntaient les prospecteurs d'or. A l'origine, ce chemin etait nomme le Dead Horse Trail. Jack London ecrivait d'ailleurs : "horses died on it like mosquitoes in the first frost". Il existait deux chemins pour passer la frontiere vers le Canada. Chacun etant penible a sa facon. Le second est connu sous le nom du Chilkoot Trail. C'est maintenant une randonnee de trois jours reputee assez difficile et recommandee en ete, les neiges etant encore trop presentes a cette epoque de l'annee (et meme en ete elles subsistent).
A l'epoque de la ruee vers l'or, les autorites canadiennes avaient constitue une regle drastique pour passer leur frontiere : chaque personne doit emporter avec lui 100 kgs d'equipement et de nourriture pour passer l'hiver afin d'attendre le degel de la riviere. De quoi subsister pendant un an. Le chilkoot trail dure environ trois jours. Eh bien les prospecteurs devaient le faire jusqu'a 14 fois pour passer la quantite necessaire. Des hommes a la chaine traversant la fameuse passe du Chilkoot. La caravanne etait diversifiee : des pretres, ecrivains, danseuses (en fait des prostituees), ... toutes les classes sociales etaient representees. Durant l'hiver, les hommes construisaient les canoes qui allaient leur servir a atteindre Dawson. Au degel, les premiers aventuriers s'embarquaient pour la descente. Le cours d'eau est puissant, particulierement a cette epoque de l'annee puisque le degel induit une quantite d'eau plus abondante et c'est non sans risques qu'ils partent. Il y aura quelques morts, mais la plupart passeront ou subiront des incidents mineurs.

White-Pass

White-Pass

White-Pass

White-Pass

Bienvenue au Yukon

Le white-pass est l'autre chemin emprunte pour traverser la frontiere. C'etait un sentier tres accidente egalement. Un jour, un entrepreneur decide d'y construire une ligne de chemin de fer pour faciliter le passage. Le train passe par des panoramas particulierement beaux. Au sommet, la neige est encore tres presente. A la frontiere canadienne, les touristes repartent en bus a Skagway, tandis que je monte dans celui en direction de Whitehorse. Je me retrouve seul avec le chauffeur, Murray. Il va donc me servir de guide touristique, s'arretant a certains endroits pour me permettre de prendre des photos ou me conter l'histoire de la place. Nous voyons meme un ours sur le bord de la route. Il decide de faire une pause de 15 mns a Carcross. L'endroit est nomme ainsi en raison des caribous et est la contraction de Caribou Crossing, l'endroit ou les caribous passent naturellement lors de leur migration. Les hommes n'ont rien trouve de mieux que de construire un village a cet endroit. Un village minuscule d'ailleurs, constitue de quelques maisons. Carcross possede egalement le plus petit desert au monde ! Pourquoi un desert alors ? Parce qu'il dispose d'une vegetation qui ne s'observe que dans les deserts. A notre arrivee a Whitehorse, au lieu de me deposer a la gare de bus, Murray m'arrette a un bloc de l'auberge !

Welcome to Yukon

Yukon

Whitehorse

Plaque du Yukon

Lorsque je me presente a l'auberge, c'est par un francais que je suis recu ! En fait, Whitehorse pullule de francais. Nous serons jusqu'a 6 dans l'auberge un soir, ce qui est beaucoup. Je n'en ai plus l'habitude. Nonna est en visa vacances-travail et traverse le monde de cette facon, en travaillant au fur et a mesure. Sa prochaine destination est l'Australie. La ville de Whitehorse en elle meme n'a rien d'exceptionnel. C'est relativement petit et c'est la capitale du Yukon. Ici, on ne vient pas pour la culture car il n'y en a pas, mais plutot pour les paysages magnifiques, les montagnes et les lacs emeraudes. C'est egalement au Yukon que se trouve le parc Kluane qui abrite la plus haute montagne du Canada, le Mont Logan, culminant a 5950m d'altitude.

L'auberge redevient un endroit agreable comme je les aime, semblable a Juneau. Finie la crasse, et mon imagination ne va pas m'emmener dans des recoins de mon esprit, ou je visualise un tueur surgir de nulle part ou une creature mythologique me reveillant de son haleine puante ou une cave cachee menant vers un chateau mysterieux ou une secte inconnue celebre des processions terrifiantes. Pourtant, le nom de l'auberge a de quoi effrayer : Hide and jekell. Elle est tenue par un couple d'allemands. Ils sont forts sympathiques et habitent la ville depuis 5 ans desormais. Toutefois, au cours de mon sejour, ils refuseront parfois certains visiteurs car leur tete ne leur revient pas. Je comprends lorsqu'on tient un endroit qu'on ne veuille pas avoir de troubles, mais je trouve tout de meme sectaire de s'arreter a l'aspect physique pour determiner si une personne va etre bonne ou non.
Il y a egalement une quebecoise, Magalie, venue passer l'ete ici, remplie de joie et de dynamisme qui apporte gaiete et bonne humeur a l'auberge. Elle cherche activement du travail, idealement en ethnologie, mais est prete a se sacrifier dans les petits-boulots, probablements plus faciles a trouver. Sebastien, un autre francais s'apprete a remonter le fleuve Yukon et a aller le plus loin possible, a l'aventure en canoe. Nonna et quelques autres partiront dans quelques semaines pour traverser en deux semaines le fleuve Yukon. J'y serais bien parti aussi, une autre fois sans doute.

On peut emprunter gratuitement des velos a l'auberge et je ne me prive pas de cela pour decouvrir la region. Je vais ainsi explorer Miles Canyon. Au lieu de demarrer directement sur le parcours, je prends la route principale et fais un petit crochet de quelques kilometres, empruntant une cote sans fin qui va me laisser sans souffle. Enfin arrive sur le parcours, je prends la mauvaise direction. Le chemin est impraticable. C'est le velo ou moi mais pas les deux. Apres quelques metres, je decide de rebrousser chemin et me prends les pieds dans une racine d'arbre. Me voila la tete la premiere dans le ravin, face a la riviere, les mains accrochees a des branches d'arbustres et le velo sur mon dos. Impossible de bouger sans que le velo ou moi-meme tombions dans le cayon. Je reussis toutefois miraculeusement a m'extirper de la situation faisant des acrobaties entre les branches d'arbres et les roues du velo. Le reste de la matinee sera plus calme et me permettra d'apprecier les environs.
Le temps est plutot instable dans cette region. Le matin, le soleil est magnifique et le ciel bleu. Puis, au fur et a mesure de la journee, le ciel devient charge et se couve. Les nuages deversent alors leurs pluies pendant quelques instants en fin d'apres-midi. Le scenario se repete presque chaque jour lors de ma presence. C'est ainsi qu'en allant a Grey Moutain, j'ai failli me retrouver completement trempe. La route est un chemin de gravier et il me faut une heure de montee en velo pour atteindre le stationnement d'ou je poursuivrai a pieds. Les trepidations du velo sous les cailloux, les nuages de poussieres provoques par les gors vehicules empruntant la route me laissent tremblottant et toussotant. Du haut de la montagne, j'embrasse du regard la ville et les montagnes environnantes, les lacs et les forets. Au retour, la pluie se met a tomber de plus en plus fort. Il ne me faut que 15 minutes pour descendre ce que j'ai monte en une heure. Je fuis la pluie, etant plus rapide qu'elle et rentre sain et sauf a l'auberge.

Je pense que Whitehorse est une ville en developpement. De plus en plus de francais et quebecois s'y dirigent. Neamoins, etant encaissee dans une vallee, la ville aura du mal a connaitre un reel essort et il est probable que son succes ne soit que saisonnier, l'hiver etant contraignant. On verra bien d'ici quelques annees. Je ressens une atmosphere positive de la ville. Je me suis meme pose la question, pourrais-tu y vivre ? Probablement, contraint et force, mais pas par choix.

J'ai decide de louer une voiture pour une journee afin d'aller explorer le parc de Kluane, cette merveille classee patrimoine de l'Unesco. Il n'y a pas d'auberge de jeunesse et il est hors de question que je dorme dans un motel. J'achete donc la tente la moins chere que je trouve dans un Canadian Tire. Je sais d'avance que je fais une betise, mais suis content de mon investissement.
Je suis furieux. La voiture de location n'est pas la classe economique que j'avais exigee, mais un pick-up. Un de ces monstre qui consomme dix fois trop d'essence et dont le reservoir peut contenir jusqu'a 60 litres, s'evaporant aussi vite qu'une flaque d'eau au soleil. C'est en ruminant ma lettre de mecontentement contre la societe de location que je me dirige vers le parc de Kluane.

Le camping est bonde, c'est une longue fin de semaine. Comme dans la plupart des endroits en Amerique du nord, la paiement est exige, mais c'est la participation volontaire qui prime. Ainsi vous pouvez tres bien eviter de payer et faire l'ignorant si jamais un ranger du parc se presente. C'est ce que tout le monde fait et personne n'est passe. Je deplie ma tente et decouvre la joie de monter la tente la moins chere du pays. Apres quelques manoeuvres malhabiles, elle est prete a l'emploi. De gros nuages noirs se dessinent a l'horizon et je vais probablement experimenter une nuit sous la pluie pour le bapteme de Paulette (chaque tente se doit d'avoir un nom. C'est une institution depuis Claudinette, la tente a laquelle il manquait un arceau lors du voyage entre Washigton et le Maine avec Caroline et Marion. Il en est de meme des voitures. Ainsi ma Golf au Canada etait surnomee la Micquette. Pourquoi un nom aussi debile ? Un vague rapport avec les cacas verts d'un furet. Trop long a expliquer et ininteressant). Certes, elle est legere et ne prend pas de place Paulette, mais il en est de meme une fois montee. Je ne peux pas m'etendre dedans et suis oblige de dormir en chien de fusil, dans la diagonale. La pluie commence a tomber, doucement et se fait de plus en plus forte. C'est une veritable deluge. Et ineluctablement, comment voulez-vous qu'une tente a 30 dollars soit impermeable ? Des petites flaques se creent un peu partout a l'interieur l'eau rentrant par les coutures et des gouttes me tombent sur le front de facon periodique, comme un supplice chinois. Je maugree et parle aux elements : "tais-toi pluie, tu me saoules. De cette ivresse qui donne aux nuits une douce paresse. Meme si ton murmure me berce, tes gouttes me transpercent et me laissent transi de froid."
Je reussis neamoins a m'endormir. La pluie cesse au cours de la nuit me permettant de secher avant de repartir.

J'entreprends l'ascension du King's Throne Trail. Celui-ci se commence aux abords du Kathleen Lake, un magnifique lac aux eaux turquoises ou se peche le saumon Kokanee, pauvre poisson a l'histoire tragique. "Kokanee" est le nom donne au saumon rouge qui ne retrourne plus a la mer au cours de sa vie. Cantonnes dans le lac, les kokanees passent leur vie entiere en eau douce. Au cours des annees 1700, le glacier Lowell d'etendait jusqu'a l'autre cote de la riviere Alsek, bloquant son ecoulement vers l'ocean pacifique. Ceci crea un enorme lac. Vers 1850, le barrage s'est soudainement rompu, relachant ses eaux en une inondation torrentielle. Le lac entier s'est peut-etre vide en une journee ! Les indiens Tlingit de la cote de l'Alaska parlent encore d'une crue tragique sur l'Alsek qui a entraine de nombreuses vies dans la mer. Avant que le barrage de glace ne vienne leur bloquer le passage, les saumons rouges remontaient la riviere Alsek pour aller frayer dans la region du lac Kathleen. Les poissons qui ont ete emprisonnes par le barrage ont du s'adapter a la vie en eau douce. (Source : pancarte au lac Kathleen)

Les deux premiers kilometres sont simples et relativement plats. Le premier plateau se trouve a 1400 m d'altitude. Le papier-guide decrit le parcours comme tres accidente et pentu, mais un chemin est cense me mener jusqu'en haut. Le debut de la montee se fait bien, le chemin est bien balise. Plus je prends de la hauteur et plus le turquoise du lac me frappe, plus les montagne et la chaine se decoupent avec la foret boreale au milieu.

King Throne Trail

King Throne Trail

King Throne Trail

Le chemin devient de plus en plus difficile a suivre. Des bans de neige le cachent et la montagne est extremement rocailleuse. Il est conseille de ne pas sortir du sentier aux risques d'erosion, d'eboulement et de glissade. Toutefois, je suis oblige de ne pas ecouter ce conseil si je veux poursuivre. C'est dangereux en effet. D'un moment a l'autre je peux poser le pied sur une roche et subir un affaissement de terrain, c'est glissant, et etre engloutti par la montagne. Montagne, me laisseras-tu te dominer ou m'avaleras-tu, en me laissant disloque a tes pieds (j'ai un peu tendance a l'exageration...). Je retrouve parfois une partie du chemin. A certains moments, je suis oblige de passer dans la neige, craquante et de tres mauvaise qualite a cette periode de l'annee. Doucement, un pied apres l'autre , marchant comme un crabe. J'approche du plateau et cela devient plus simple, mais le vent se fait de plus en plus fort et violent. En redescendant, je croise le couple de quebecois que j'avais rencontre a Whitehorse lorsque je faisais du velo. Ils faisaient alors du camping sauvage. Ils dorment dans le camping de Haines Junction. Comme c'est un long WE, la plupart des emplacements sont pris. Ils m'invitent a partager leur emplacement si jamais le camping est complet. Et en effet, c'est complet. Je vais donc passer la soiree avec Jean-Francois et Genevieve. Nous jouons aux des, discutons. Ils viennent de la ville de Quebec. Ils ont decide egalement de voyager, certainement en Asie pour la suite. Lui a deja passe du temps en Amerique du Sud ou il travaillait dans des forets. Il pense que l'environnement au Quebec est illusoire. C'etait son projet, son grand reve mais il se bute aux politiques. Nous discutons ainsi des etats d'ame de notre planete et de l'anglais, langue qu'ils trouvent froide et repugnent a parler, sans nous rendre compte que l'heure avance et qu'il est deja 23h30. Il ne fait toujours pas nuit.
Je reprend la route le lendemain en direction de Whithehorse, m'arretant pour admirer des lacs, savourant l'instant present, les forets et ces personnes en vacances venues relaxer pendant quelques jours, effacant les traces de leur difficiles labeurs. Sur une petite route, un orignal se dresse devant moi, gigantesque. L'animal est face a moi, il m'apparait tel une incarnation mystique, oreole de lumiere. Ce n'est pas la premiere fois que je vois un orignal, mais c'est rare de rencontrer un male. La plupart du temps, ils sont sur le bord de la route et ne paraissent donc pas si imposants. La, sur la route, la bete est gigantesque. Il est prudent de ne pas s'approcher. Une rencontre inopportune entre le vehicule et la bete ne me laisserait aucunes chances. Son corps immense m'ecraserait sans mercie. La suite de la route est calme, tres calme, immense, a l'image de la province.

Kathleen Lake

Me voici de retour a Whitehorse. L'auberge n'a pas beaucoup changee. Quelques nouvelles tetes. Magalie emmenage dans son nouveau logement d'ete et je vais lui porter des affaires. La maison est un capharnaum. Je me mord les joues pour ne pas exploser de rire lorsque le proprietaire montre la chambre qu'elle va occuper. Elle ne l'avait pas vu auparavant. C'est un garage. Un matelas au milieu des velos. Ca ne ressemble a rien. Je me demande ce qu'elle eprouve. La plupart des gens que je connais auraient hurle. Magalie est sereine. Ca lui plait, elle s'attendait a pire. Je ne sais pas ce que pire aurait pu etre. Mais c'est vrai que d'un autre cote elle ne reste que quelques temps et il est toujours possible de trouver autre chose. Des sculptures faites de roues de velos sont exposees dans le jardin. Le proprietaire est quebecois, un peu allume et devinez quelle est sa profession : reparateur de velos. Il est toujours interessant afin de palper l'atmosphere d'une ville ou d'un lieu d'en decouvrir les nuits. C'est ainsi que je trouve que Whitehorse se rapproche plus d'un village que d'une ville. Ses bars sont assez miteux, poches comme on dirait au Quebec. Mais ce sont les seuls endroits que les locaux peuvent frequenter. Avec Nonna, nous allons dans un bar qui ne paie pas de mine. Une quebecoise y chante et envoute la salle de sa voie rauque. Les nuits de Whitehorse sont douces, sans reel debut et sans reelle fin. Le soleil ne se couche presque pas. J'ai du mal a me coucher et a trouver le sommeil, mon rythme biologique fonctionne au rythme de la nuit. C'est presque le soleil de minuit.

Image floue de Whitehorse a 00h30

Reflection de la lune

Publié dans xavlevoyageur

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